Berlin Boys :
Entretien avec Felix Lobrecht et David Wnendt

En juillet, UniversCiné vous présente en exclusivité Berlin Boys, de David Wnendt. Adapté du roman Sonne und Beton de Felix Lobrecht, Berlin Boys propose une vision réaliste de la vie des adolescents d’aujourd’hui dans les quartiers défavorisés de Berlin et offre une voix à une population marginalisée. Mettant en scène le passage à l’âge adulte de ses personnages, dans un environnement marqué par les inégalités sociales et économiques, Berlin Boys dresse le portrait de quatre lycéens plein de ressources, qui tentent de reprendre leur destin en main face au déterminisme social. À l’occasion de la sortie de cette nouvelle exclu, nous vous proposons un entretien avec le réalisateur de Berlin Boys David Wnendt et son co-scénariste Felix Lobrecht, qui reviennent sur les enjeux de cette adaptation, de leur rencontre aux coulisses de la production et du casting.


À l'été 2017, vous vous êtes rencontrés pour parler d'une adaptation cinématographique de Berlin Boys. Quel était l'objet de cette première rencontre ? 

FELIX LOBRECHT : J'ai tout de suite aimé que David me dise qu'il n'avait acheté le livre qu'à cause de la couverture. J'ai trouvé que c'était une approche très différente, très intéressante et très peu économique. J’ai immédiatement eu l'impression que David avait compris le livre, ce que j'étais, et ce que je voulais exprimer. J'ai eu un bon pressentiment. Après avoir vu son premier film, Combat Girl, il était clair pour moi que je voulais faire le film avec David. C'est un genre et un milieu très différents, mais son immédiateté et sa dureté étaient exactement ce que je voulais pour une adaptation de mon roman.

DAVID WNENDT : Berlin Boys m’a électrisé dès le début. J'ai accompagné Felix dans une école de Neukölln dans le cadre de sa tournée de lecture et j'ai été impressionné par l'enthousiasme des élèves. Un garçon m'a dit qu'il n'avait jamais lu de livre auparavant, mais qu'il avait dévoré Sonne und Beton. Pour lui comme pour d'autres, il s'agissait enfin d'une histoire racontée à partir de leur monde, de la réalité de leur vie. Ils ont trouvé l'histoire, les personnages et les dialogues très réalistes. Nous voulions qu'il en soit de même pour notre film.

Pouvez-vous expliquer plus en détail ce que vous entendez par « déjà savoir ce qui était important pour vous » ?

DAVID WNENDT : Il était important pour moi de faire un film qui parle directement aux jeunes d'aujourd'hui et auquel ils puissent s'identifier. Je voulais toucher une corde sensible similaire à celle du livre. J'ai aimé la sensibilité et les multiples facettes du roman qui nous rappelle la façon dont on perçoit le monde à cet âge-là. Il s'agit de garçons ordinaires qui ne sont ni les plus forts ni les plus cools, mais pas non plus des ringards. Ils prennent autant de coups qu'ils en donnent. Il y a de la place pour les sentiments, sans tomber dans les faux-semblants. Quiconque a déjà eu 15 ans peut s'y identifier. 

Sonne und Beton est un livre très personnel. A-t-il été difficile de confier l'histoire à quelqu'un d'autre pour l'adaptation cinématographique ?

FELIX LOBRECHT : Beaucoup de choses qui se passent dans le livre, je les ai vécues moi-même. Mais il y a tout autant de choses qui sont fictives. J'ai toujours gardé le silence sur ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas. Pour moi, le livre pourrait se dérouler dans n'importe quelle région d'Allemagne, il parle d'expériences dans lesquelles n'importe quel jeune de 14 ou 15 ans peut se retrouver. Ma vie n'est qu'une source d'inspiration. Mais ce n'est pas le contenu.

Comment se fait-il que vous ayez vous aussi travaillé sur le scénario ? 

FELIX LOBRECHT : C'était une condition que j'avais. Il était clair que je ne serai plus dans le coup dès qu'il s'agirait de la réalisation. Je n'ai ni les connaissances ni l'expérience pour cela. Mais je sais qui sont ces gens, je connais leur monde et je dois les protéger. Berlin Boys sera toujours associé à mon nom et je dois me porter garant du résultat. Avec le recul, c'était une bonne décision. Je n'aurais pas pu écrire le scénario tout seul, c'est certain. Mais le film aurait été complètement différent si David l'avait écrit seul.

DAVID WNENDT : Ma crainte initiale n'était pas que Félix s'implique trop dans le scénario, mais plutôt le contraire, qu'il n'ait pas assez de temps à y consacrer, qu'il sous-estime la quantité de travail que représente un scénario. Heureusement, Félix ne s'est pas laissé décourager. Il a pris son temps, il voulait que ce soit bien fait. En général, je me concentrais sur la structure, tandis que Felix se concentrait sur les dialogues.

FELIX LOBRECHT : Au début, nous avons traduit le livre de manière assez brute sous forme de scénario. Après  ce premier jet, nous avons parcouru le livre scène par scène et réfléchi à une approche plus cinématographique. Ce processus a été étonnamment créatif pour moi. Je me suis vite rendu compte qu'il fallait complètement redessiner des scènes individuelles car le livre est raconté du point de vue de Lukas : ce qui se passe, c'est seulement ce qu'il voit. Mais dans le film, on regarde de l'extérieur, ce qui permet d'approfondir les personnages que l'on ne voit que d'un seul point de vue dans le roman.

Connaissiez-vous ce quartier de Berlin avant Berlin Boys

DAVID WNENDT : J'y suis allé avec Felix pour la première fois. Il m'a fait visiter les lieux qui apparaissent dans le roman.

FELIX LOBRECHT : Nous nous sommes simplement promenés ! Ma première pensée a été que Gropiusstadt avait beaucoup changé depuis ma jeunesse. Beaucoup de choses ont été réaménagées au cours des vingt dernières années. Les blocs étaient bruns et gris, mais maintenant ils sont plus beaux, du moins à l'extérieur.

DAVID WNENDT : Les autorités locales font vraiment des efforts. Beaucoup de choses sont en train de se faire. L'herbe est tondue partout. Mais on ne peut pas tondre à l'intérieur des appartements... Il y a encore beaucoup de pauvreté et de conflits sociaux.

À quel point était-ce important de tourner à Gropiusstadt ?

FELIX LOBRECHT : C'était décisif. On ne peut pas recréer ce genre de choses n'importe où. Il était également important pour nous d'inclure Gropiusstadt dans la production, par respect pour la région et les gens qui y vivent.

DAVID WNENDT : Le roman vit de son authenticité. Felix a beaucoup insisté sur les dialogues, l'argot et le choix des mots des personnages. Les lieux du roman se retrouvent également dans la véritable Gropiusstadt. C'était important pour le film. Si vous tournez beaucoup sur place, dans des endroits très spécifiques, cela garantit un effet d'authenticité. Nous avons impliqué les habitants de Gropiusstadt dans le tournage, du kebabier au coin de la rue au maire. Nous avons recruté des figurants ainsi que certains rôles secondaires via un casting sauvage dans le quartier. L'acteur qui interprète le personnage principal, Lukas, vit et va à l'école à Gropiusstadt. 

Les quatre acteurs principaux font leurs débuts à l'écran dans ce film. Était-il important pour vous de travailler avec des nouveaux venus ? 

DAVID WNENDT : Nous avons lancé un casting sauvage, que Felix a renforcé en lançant des appels sur les médias sociaux. Plus de 5 000 personnes ont postulé.

FELIX LOBRECHT : Je n'ai pas participé au processus de casting. Ce n'est qu'au moment de la sélection finale pour chaque rôle que je suis revenu. Je suis très satisfait des garçons. La plupart des personnages principaux du roman sont basés sur des personnes réelles, alors j'avais bien sûr des visages très précis en tête. Mais maintenant, je vois toujours les garçons du film quand je pense aux personnages. Ils ont fait un excellent travail.

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