Tendre regard sur la jeunesse des banlieues montréalaises d’aujourd’hui, entre humour et docu-fiction, Les Rayons Gamma est l’exclusivité UniversCiné de ce début d’année. Avec ce deuxième long-métrage, Henry Bernadet propose une réflexion sur les représentations, éminemment politique dans sa légèreté et l’amour de ses personnages.
Rayons Gamma, définition : Un rayon gamma est le rayonnement à haute fréquence d'un photon possédant une longueur d'onde courte. Il est de nature électromagnétique, et ne possède ni charge ni masse, ce qui lui donne un pouvoir de pénétration supérieur à celui des rayons bêta, électriquement chargés.
A l’ouest de Pluton, la précédente co-réalisation d’Henry Bernadet, sorti il y a bientôt seize ans, est devenue un objet culte au fil du temps pour le pays à la feuille d’érable. Y était narrée une journée en apparence banale de jeunes banlieusards québécois : leurs amours, leurs premières expériences, leurs espoirs et désillusions. À travers Les Rayons Gamma, le réalisateur canadien redonne une scène aux banlieues de Montréal, sur le même postulat d'œuvre chorale nous faisant marcher dans les pas de différents personnages d’un groupe très éclectique.
Une décennie est passée et le regard d’Henry Bernadet, comme les rayons éponymes du film, semble atteindre plus profondément son but. Cousin lointain de Guillaume Brac et d’Eric Rohmer dans sa représentation des errances de la jeunesse, le cinéaste pousse sa fiction au plus proche du réel. Observant une autre époque, la charge politique se pose ici sur un choix délibéré d’inconséquence et de légèreté dans les histoires narrées. Montrer d’autres cultures, et en ôter tout misérabilisme et dramatisation. Là réside toute la portée du film, par ses choix artistiques : poser la caméra et le sujet à côté de la violence surmédiatisée sur les banlieues, regarder ailleurs, vers d’autres réalités jamais montrées. Le cinéma comme moyen de détourner les médias orientés, sans créer de pamphlet faussé et idyllique. Montrer des réalités de vie, dans toutes leurs complexités et nuances, simplement.
Approchant des acteurs non-professionnels pour porter l’entrelacs d’histoires des Rayons Gamma, Henry Bernadet infuse les parcours bien réels de ceux-ci à la construction de leurs personnages. Leur cheminement individuel n’en rend le groupe et la communauté que plus forts et émouvants, par leur éclatement à travers l'œuvre. Ainsi, les lieux filmés deviennent des points de rencontre, et une certaine tendresse se dégage dans le regard sur les lieux de vie qu’on y retrouve à plusieurs reprises : les squares, les parkings de centres commerciaux, les salons improvisés et délabrés dans des aires désaffectées. Les personnages suivis ne s’adressent peu ou jamais la parole, c’est dans ces lieux communs par lesquels chacun passe que tout se communique, que leurs ondes se percutent pour former le tableau de nouvelles représentations, plus vibrantes, plus authentiques. Là est toute la puissance du geste cinématographique et politique d’Henry Bernadet, dont le regard manquait définitivement sur ces récits depuis plus d’une décennie.
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